Contrat à impact social : nouvel outil de financement du développement ?

Nouvel outil financier, le contrat à impact social peut être mis en place dans un pays émergent ou en développement pour financer des politiques publiques d’intérêt général. Décryptage de cet outil avec Julien Sciau, chargé d’affaires à l’AFD.

Les contrats à impact social (CIS), ou Social Impacts Bonds, sont un nouveau produit financier ayant pour objectif de mobiliser des financements privés au service de politiques publiques sociales d’intérêt général, notamment pour la mise en place de programmes de prévention en matière de santé, d’éducation ou de justice. À ce jour, une centaine de CIS ont été mis en place dans le monde, la plupart au Royaume-Uni ou aux États-Unis, mais aussi dans des pays émergents et en développement. On parle alors de Development Impact Bond (DIB).

Financer aujourd’hui des actions de prévention en matière de santé, d’éducation, de justice ou encore de réinsertion peut permettre aux pouvoirs publics d’éviter des coûts futurs de prise en charge des bénéficiaires de ces programmes (hospitalisations, écoles spécialisées, emprisonnement, etc.). Néanmoins, l’impact final et futur de ces actions de prévention comportant par nature une part d’aléa, les financements des programmes de prévention s’apparentent à des investissements risqués pour les pouvoirs publics qui ont tendance à les délaisser dans un contexte de contrainte budgétaire. Les CIS ont vocation à faire assumer au secteur privé les risques d’échec de ces programmes contre rémunération. Cela consiste à mettre en place un contrat qui définit d’une part les montants nécessaires au financement par des investisseurs privés et d’autre part des objectifs de réussite. Ces derniers permettent de déclencher le remboursement et le paiement de primes aux investisseurs par les pouvoirs publics.

Historique des Social Impact Bonds

Le premier CIS a été structuré au Royaume-Uni en 2010. Il s’agit d’un programme de lutte contre la récidive à destination d’hommes condamnés à des peines de courte durée au sein de l’établissement pénitentiaire de Peterborough. À leur sortie, ces anciens détenus ont bénéficié d’un suivi personnalisé et de l’appui de différentes associations, afin de faciliter leur accès à des logements, à l’emploi ou encore à des traitements de lutte contre la dépendance aux drogues et à l’alcool. Le programme, d’un coût total de 5 millions de livres sterling (environ 5,5 millions d’euros), avait pour objectif de toucher 3 000 personnes et visait une réduction de 7,5 % du nombre de récidives. Il a été financé par des investisseurs privés essentiellement animés par une motivation caritative. Le remboursement du programme était effectué par le ministère de la Justice du Royaume-Uni et le Big Lottery Fund. Le programme a atteint une baisse de 9 % du nombre de récidives et a dépassé l’objectif initial.

Suite à cette première expérience, plus de 110 CIS ont été lancés, essentiellement au Royaume-Uni et aux États-Unis, mais également aux Pays-Bas, en Australie ou encore en Inde et au Pérou, pour un montant total de près de 400 millions de dollars. Selon le rapport Impact Bonds in Developing Countries du think tank Brookings, près de 25 CIS sont à l’étude dans les pays émergents et en développement.

Si les montants mobilisés demeurent limités à l’échelle des marchés financiers, les CIS, financés à l’origine par des fondations ou des investisseurs sociaux, commencent à intéresser le secteur bancaire classique. En France, un appel à projets a été ouvert du 16 mars 2016 au 30 janvier 2017 par le ministère de l’Économie et des Finances, avec pour objectif de développer cet outil financier sur le territoire. Une soixantaine de dossiers ont été déposés. Plusieurs banques françaises comme BNP Paribas, la Caisse d’Épargne, la Caisse des dépôts et consignations, le Crédit Coopératif ou l’AFD se montrent intéressées par ce nouveau produit.

Un risque financier d’un nouveau type qui nécessite une évolution des méthodologies d’évaluation financière

Le développement du marché des CIS se caractérise à ce jour par une forte hétérogénéité des investissements réalisés, au regard de leur structuration juridique et financière. Le montage des CIS est réalisé au cas par cas. La structuration juridique et financière est souvent le résultat d’un compromis entre les différents acteurs en fonction de la temporalité et des objectifs des projets, du cadre juridique applicable dans les territoires sur lesquels ils sont déployés, et de la nature des investisseurs et des tiers payeurs. Contractuellement, les investissements peuvent ainsi prendre la forme de prêts, d’obligations, voire d’investissements en fonds propres. Cependant, quelle que soit la structuration retenue, la nature du risque financier associé aux CIS reste délicate à appréhender pour les institutions financières. Car l’analyse du risque de crédit est essentiellement réalisée sous le prisme de la capacité opérationnelle d’un tiers à délivrer un impact et non plus de la capacité de remboursement d’une contrepartie.

Or, l’évaluation du risque financier associé aux CIS représente un préalable indispensable aux banques pour le développement du produit, à la fois crucial pour guider leurs décisions d’investissement mais aussi pour sa gestion comptable et réglementaire. La construction de grilles d’évaluations solides et homogènes pourrait permettre d’accélérer la croissance du marché, voire la distribution de ce produit à plus grande échelle auprès des investisseurs. La problématique de l’évaluation des risques financiers associés aux CIS est également prégnante pour les banques de développement qui s’intéressent de plus en plus à ce produit, renommé Development Impact Bond (DIB) pour l’occasion.

Le rôle des banques de développement central pour les Development Impact Bonds

Les gouvernements des pays concernés parviennent avec difficulté à débloquer des budgets pour les dépenses et les investissements nécessaires au fonctionnement de leurs infrastructures sociales (hôpitaux, écoles, etc.). Les banques de développement pourraient jouer un rôle de tiers payeur, via des prêts souverains ou des garanties aux États dans lesquels se dérouleront les programmes de prévention afin d’assurer leur liquidité vis-à-vis des investisseurs en cas de succès du programme, ou encore via une substitution complète au tiers payeur si des budgets en subventions sont mobilisables. Elles pourraient également intervenir comme investisseurs seniors ou subordonnés aux côtés des institutions financières traditionnelles, notamment dans une première phase de lancement du produit dans les pays en développement et émergents.

Jusqu’à présent les bailleurs publics sont essentiellement sollicités pour intervenir en tant que payeurs finaux, notamment aux côtés de fondations privées, en substitution des gouvernements locaux. Les CIS passent ainsi d’une logique gagnant/gagnant reposant sur une rémunération du risque pour les investisseurs et des coûts évités pour le tiers payeur, à un mécanisme d’assurance, à travers lequel les bailleurs publics s’assurent d’obtenir un niveau prédéfini d’impact pour chaque euro dépensé.

La complexité de la mise en place de cet outil financier et la rémunération des investisseurs renchérit sensiblement le coût des programmes financés pour les bailleurs publics. ’Il est donc important pour les bailleurs publics d’apprécier au cas par cas la plus-value proposée par les DIB par rapport à un financement via une subvention directe, alors que plusieurs fonds de DIB sont en cours de structuration.

Il y a deux principaux avantages opérationnels des CIS et des DIB par rapport au recours à des subventions classiques. Le premier est la flexibilité accordée aux gestionnaires du programme  : elle permet  de modifier plus facilement le mode opératoire en cas de difficultés constatées, en coordination avec les autres parties prenantes du DIB (investisseurs et tiers payeurs). Le second avantage qu’il présente est  d’offrir des durées de financement plus longues (trois à huit ans), qui permettent aux opérateurs de mener des interventions à long terme auprès des bénéficiaires.

La deuxième problématique importante pour les bailleurs publics ’tiers payeurs dans un DIB est d’évaluer la nécessité d’avoir recours à une assurance par rapport au risque encouru d’échec du programme et à son coût additionnel. Si les projets pilotes développés dans des contextes difficiles représentent à première vue des bons candidats, il ne faut pas oublier que le risque et la rémunération qui y sont associés doivent être considérés à des niveaux acceptables par les investisseurs privés.

Trois types de programme sociaux pourraient à ce titre faire l’objet d’évaluation d’opportunité pour un DIB par les bailleurs publics : les projets innovants développés dans des environnements stables, les projets classiques mis en place dans des contextes difficiles (période de conflits ou post-conflits, crises humanitaires, etc.) ou les projets de taille importante (supérieur à 10-15 millions de dollars) permettant de réaliser des économies d’échelle sur les coûts de montage juridique et financier des DIB.

Copyright : ID4D, https://ideas4development.org/contrat-impact-social-developpement-financement/

Investissement à impact social

Les Contrats à Impact Social (CIS) constituent une nouvelle modalité de financement public-privé, destinée à favoriser l’émergence de projets sociaux eux-mêmes innovants. De tels projets sont proposés par des opérateurs sociaux privés qui entendent fournir des réponses, à la fois ambitieuses et plus efficaces par rapport à l’existant, à des besoins sociaux identifiés, en cohérence avec les politiques publiques mises en œuvre dans le ou les domaines couverts.

Le Haut Commissaire à l’Economie Sociale et Solidaire et à l’Innovation Sociale a confié le 7 mars 2019 à Frédéric LAVENIR, en tant que président de l’Association pour le Droit à l’Initiative Economique (Adie), la mission de constituer un groupe de travail, chargé de proposer les voies et moyens d’un développement accéléré des CIS en France.

Les conclusions de ce groupe de travail ont été rendues au Haut-Commissaire le 30 juin 2019.

Le 17 septembre 2019, Frédéric Lavenir a présenté les conclusions de son rapport lors d’une matinée dédiée à l’investissement social. Ces conclusions sont assorties de propositions concrètes constituées d’outils destinés à favoriser une appropriation large des CIS. Parmi ces outils figure un contrat-type de convention cadre de CIS, dont la version 1.0 constitue l’annexe 8.2 (insérée dans l’appendice du rapport) des conclusions rendues par le groupe de travail. Ce contrat-type fera l’objet d’une amélioration continue, sous forme de nouvelles versions

Communiqué de presse : conclusions de la matinée « Investissement à impact social » du 17 septembre 2019

Face à l’envergure de nos défis sociaux et écologiques, rappelés dans le cadre des Objectifs du Développement Durable, nous devons développer de nouveaux modèles, de nouvelles alliances publiques/privées, mobilisant la puissance de l’économie et de la finance, des entreprises et des investisseurs au service de solutions innovantes qui ont démontré leur impact, portées le plus souvent par les entreprises de l’Économie Sociale et Solidaire.

L’investissement à impact social ou impact investing mobilise ainsi des investisseurs qui font le choix d’une rentabilité raisonnée et de financer des actions à fort impact social et environnemental.

Un des objectifs du programme présidentiel est de faire franchir à la France un nouveau cap en matière d’investissement à impact social.

Ce mardi 17 septembre au ministère de la Transition écologique et solidaire, Christophe Itier, Haut-Commissaire à l’Économie Sociale et Solidaire et à l’Innovation Sociale, a ainsi révélé :

1/ les 15 fonds d’investissement qui ont rejoint Le French Impact, la bannière française pour l’économie à impact lancée en janvier 2018, qui représentent  un montant de 375 M€ disponibles pour financer les entreprises à impact, les différentes étapes du cycle de leur développement du pré-amorçage au changement d’échelle. Ces fonds sont : Alter Equity 3PII, Amundi Finance et Solidarité, BNP Paribas Social Business Impact France, Immobilier Impact Investing, Citizen Capital II, Ecofi contrat solidaire, FPS AXA future generation, Impact Coopératif – des fonds propres pour l’économie sociale, IDES – institut de développement de l’économie sociale, France Active amorçage, Impact Création, makesense Seed I, Mirova Solidaire, Phitrust Partenaires, Raise Impact/F2i.

Cette annonce concrétise d’une part l’appétence croissante des investisseurs au financement de de ces entreprises qui mettent leur performance économique au service de la résolution de problématiques sociales et environnementales, et d’autre part le développement de cette économie de l’impact accélérée ces dernières années par l’initiative gouvernementale Le French Impact.
 
2/ les conclusions de la mission confiée le 07 mars 2019 à Frédéric Lavenir, Inspecteur Général des Finances et président de l’ADIE. L’objectif de cette mission était d’identifier les conditions d’un développement accéléré des contrats à impact social (CIS). Adaptation française des Social Impact Bonds (SIB) développés depuis 2010 dans le monde, les contrats à impact social (CIS) initiés en France en 2016, constituent à la fois un outil de financement de l’innovation sociale, et de transformation de nos politiques publiques. Afin d’opérer un changement d’échelle des CIS en France, la mission a établi un guide de simplification et de normalisation des contrats à impact social remis aux participants de l’événement et disponible sur le site du Ministère de la Transition écologique et solidaire : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/investissement-impact-social-nouvelle-ambition-france

Suivant les recommandations de la mission, Christophe Itier a annoncé la création du premier Fonds de Paiement au Résultat en France au premier trimestre 2020.

A l’instar de ce qu’ont pu développer d’autres pays européens (Portugal, Royaume-Uni, Danemark), ce Fonds de Paiement au Résultat (FPR), créé en partenariat et avec l’appui technique de la Caisse des Dépôts et Consignations et de la Banque des territoires, permettra d’augmenter significativement les montants financiers investis et donc de démultiplier l’impact social et environnemental, tout en simplifiant l’ingénierie.

Soutenue par le Business for Inclusive Growth (B4IG) lancée à l’initiative de Danone et de son PDG Emmanuel Faber à l’occasion du G7, la création de ce premier Fonds de Paiement au Résultat se structurera autour de trois grandes priorités :

  • Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales : La solidarité : lutter contre le sans–abrisme ;
  • Ministère du Travail : L’inclusion : lever les freins de retour à l’emploi pour les publics les plus éloignés, notamment la garde d’enfants, la mobilité… ;
  • Ministère de la Transition écologique et solidaire : L’économie circulaire : lutter contre le gaspillage, favoriser le réemploi et réduire les déchets.

L’Etat, la Caisse des dépôts et Consignations et les investisseurs se donnent pour objectif de lancer ce premier Fonds de Paiement au Résultat Français au premier trimestre 2020 et pour un objectif à terme  de 30 millions d’euros.

Selon Christophe Itier, « Pour développer un capitalisme responsable, l’Etat doit encourager les investisseurs qui s’orientent vers l’investissement à impact social ou environnemental et qui acceptent de réviser leurs critères de rentabilité financière au service de l’intérêt général.

Le French Impact participe à cette ambition en donnant de la lisibilité, en sécurisant les investisseurs à impact dans leur prise de risques et en créant un écosystème performant d’accompagnement à la croissance des entreprises à impact.

Dans le même temps, en lançant début 2020, le premier Fonds de Paiement au Résultat dans notre pays, c’est un premier pas décisif pour doter la France,  d’un outil  de financement de projets sociaux et écologiques innovants et de transformation de nos politiques publiques.

Réconcilier finance et impact social et environnemental, investissements et intérêt général, est bien notre ambition ».

Copyright : Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance – Ministère de la Transition Écologique

Publication du décret d’application de la loi Pacte sur les sociétés à mission

La loi Pacte du 22 mai 2019 a créé le label de « société à mission » en faveur des sociétés commerciales s’étant fixé un ou plusieurs objectifs sociaux ou environnementaux qu’elles se donnent pour mission de poursuivre dans le cadre de leur activité. Le décret d’application détaille les règles de publicité en la matière ainsi que le régime applicable à l’organisme tiers indépendant chargé du suivi de l’accomplissement par la société de la mission qu’elle s’est assignée.

Décr. n° 2020-1, 2 janv. 2020, JO 3 janv

Apports de la loi Pacte

La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, a entendu repenser la place des entreprises dans la société. Cette loi a, à cette fin, conçu une sorte de « fusées à trois étages », introduisant dans notre législation les notions d’intérêt social (art. 169, I, 1° ; C. civ., art. 1833, al. 2 nouv.), de raison d’être (art. 169, I, 2° ; C. civ., art. 1835 in fine nouv.) et de société à mission (art. 176, I ; C. com., art. L. 210-10 à L. 210-12 nouv.). Si les deux premières s’adressent à l’ensemble des sociétés, la troisième concerne les seules sociétés commerciales, lesquelles peuvent désormais poursuivre, de manière purement volontaire, un projet entrepreneurial répondant à un intérêt collectif et qui donne sens à l’action de l’ensemble de leurs collaborateurs. Ce label de société dite « à mission », inspiré des Benefit Corporations nées aux États-Unis, vise à encourager les entreprises à adopter une démarche de capitalisme responsable qui ne soit pas guidée par la seule recherche du profit.

Pour qu’une société puisse faire publiquement état de cette qualité de société à mission, ses statuts devront d’abord préciser une raison d’être (celle-ci étant constituée « des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ». Pour prendre un exemple récent, la nouvelle société anonyme Société nationale SNCF qui succède, au 1er janvier 2020, à l’établissement public SNCF Mobilités, a adopté dans ses statuts une raison d’être ainsi rédigée : « La raison d’être de la société est d’apporter à chacun la liberté de se déplacer facilement en préservant la planète » ; v. décr. n° 2019-1585, 30 déc. 2019, JO 1er janv. 2020). Elle doit en outre faire état, également dans ses statuts, d’un ou plusieurs objectifs sociaux ou environnementaux qu’elle se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité et enfin expliciter les modalités du suivi de l’exécution de sa mission. La société publie sa qualité de société à mission au greffe du tribunal de commerce, sous réserve qu’elle respecte les conditions pour en bénéficier.

Il est important de remarquer que cette qualité de « société à mission » ne doit pas être une simple déclaration d’intention, mais que, pour garantir son sérieux, la loi impose un véritable suivi dans l’exécution de la mission que la société s’assigne, cela via un double contrôle. D’abord, un contrôle interne, par un « comité de mission », qui est distinct des organes sociaux et qui comprend au moins un salarié, que la société est tenue de mettre en place. Ensuite, un contrôle externe, par un organisme tiers indépendant.

Règles de publicité

Le décret n° 2020-1 du 2 janvier 2020 relatif aux sociétés à mission, d’application immédiate, contient d’abord les mesures réglementaires d’application de la loi Pacte afin que ce nouveau label soit parfaitement opérationnel. Il concerne d’abord les règles de publicité (art. 2). Il complète ainsi les obligations de déclaration des sociétés dans le cadre de leurs demandes d’immatriculation (en cas d’adoption du label à l’époque de la création de l’entreprise) et d’inscriptions modificatives (en cas d’adoption de celui-ci en cours de vie sociale) au registre du commerce et des sociétés (RCS), pour inclure la qualité de société à mission (C. com., art. R. 123-53, 12° nouv.). Est également complétée la disposition énumérant les renseignements d’identification des personnes morales de droit privé devant figurer au répertoire SIRENE tenu par l’INSEE pour que la qualité de société à mission soit également mentionnée, le cas échéant, dans ce répertoire (art. R. 123-222, 1° mod.).

Organisme tiers indépendant

Le décret du 2 janvier 2020 contient ensuite un important volet portant sur l’organisme tiers indépendant chargé du suivi de la mission que la société s’est assignée (art. 3 ; C. com., art. R. 210-21 nouv.). Comme le précise le Journal officiel, les dispositions qui le concernent sont inspirées de celles relatives à la vérification des informations de la déclaration de performance extrafinancière par un organisme tiers indépendant. Le décret précise que l’organisme chargé du suivi de la mission doit être désigné parmi ceux accrédités à cet effet par le Comité français d’accréditation (COFRAC) ou « par tout autre organisme d’accréditation signataire de l’accord de reconnaissance multilatéral établi par la coordination européenne des organismes d’accréditation » (European Cooperation for Accreditation ou EA). Il est soumis aux incompatibilités prévues à l’article L. 822-11-3 du code de commerce ; ce sont celles auxquelles sont soumis les commissaires aux comptes. Sauf clause contraire des statuts de la société, cet organisme est désigné par l’organe en charge de la gestion (c’est-à-dire en principe par le conseil d’administration), pour une durée initiale qui ne peut excéder six exercices. Cette désignation est renouvelable, dans la limite d’une durée totale de douze exercices.

Le décret détaille, par ailleurs, les diligences que doit réaliser l’organisme dans sa mission de vérification de l’exécution des objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité, tels que précisés dans les statuts. Le texte précise que l’organisme doit procéder, au moins tous les deux ans, à la vérification de l’exécution de ces objectifs, la première vérification devant avoir lieu dans les dix-huit mois suivant la publication de la déclaration de la qualité de société à mission au RCS. Lorsque la société répond aux conditions mentionnées à l’article L. 210-12, à savoir qu’elle comprend moins de cinquante salariés permanents et qu’un référent permanent est désigné en lieu et place du comité de mission comme cela est possible, la première vérification a lieu dans les vingt-quatre mois suivant cette publication. Par ailleurs, lorsque la société emploie, sur une base annuelle, moins de cinquante salariés permanents au titre du dernier exercice comptable ayant fait l’objet de la dernière vérification, elle peut demander à l’organisme tiers indépendant de ne procéder à la prochaine vérification qu’au bout de trois ans.

On sait, en outre, que la vérification par l’organisme de l’exécution des objectifs sociaux et environnementaux que la société à mission s’est assignés donne lieu à un avis joint au rapport du comité de mission (C. com., art. L. 220-10, 4° in fine). Le décret précise que cet avis, qui doit être motivé, « retrace les diligences qu’il a mises en œuvre et indique si la société respecte ou non les objectifs qu’elle s’est fixés ». Il ajoute que cet avis mentionne, le cas échéant, « les raisons pour lesquelles, selon lui, les objectifs n’ont pas été atteints ou pour lesquelles il lui a été impossible de parvenir à une conclusion ». Pour délivrer cet avis, l’organisme tiers indépendant a accès à l’ensemble des documents détenus par la société, utiles à la formation de son avis, notamment au rapport annuel du comité de mission. Il est en outre habilité à procéder « à toute vérification sur place qu’il estime utile au sein de la société et, avec leur accord, au sein des entités concernées par un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux constitutifs de la mission de la société » ; ces entités, on l’imagine, seront généralement des filiales ou des sous-traitants. Cet avis doit être publié sur le site internet de la société et demeure accessible publiquement au moins pendant cinq ans.

Enfin, le décret du 2 janvier 2020 adapte les dispositions réglementaires relatives à l’organisme tiers indépendant au cas particulier des mutuelles, unions et fédérations de mutuelles (art. 4 ; C. mut., art. R. 110-1 nouv.).

Copyright : Xavier Delpech Dalloz Actualité – Décret n°2020-1 du 2 janvier 2020, JO du 3 janvier